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ACLIS 74
6 mars 2014

Le tour de la question fait débat...

Il me semble que le mot contrainte était au centre des préoccupations des praticiens en institution qui se retrouvaient pour ce tour de la question.

La contrainte judiciaire pour les sujets en consultation a été évoquée mais aussi la contrainte des psychologues devant une demande des médecins à l’hôpital ou encore la contrainte du sujet pris dans le scolaire.

Plusieurs questions me viennent :

Existe-t-il réellement des dispositifs institutionnels dans lesquels les sujets se rendent sans contraintes ? Qu’ils soient accompagnants ou consultants ? Contraintes sociales ou contraintes du social ?

 Je pense qu’il serait intéressant de décliner cette contrainte et je crois que cette déclinaison a commencé à prendre forme durant cette soirée de travail.

On peut imaginer que c’est la contrainte du corps qui enferme le sujet à l’hôpital et que c’est la contrainte du social qui enferme le sujet dans un suivi judiciaire. On peut penser que c’est la contrainte contractuelle qui décide des missions du psychologue et que ce sont les contraintes managériales dans un monde néolibéral qui décident, finalement, de bien des choses. On peut également estimer que c’est la contrainte sociale, pourquoi pas, qui pousse certains sujets à se rendre dans le cabinet d’un psychologue, contrainte du regard de l’autre, contrainte du désir de l’autre, contrainte de la jouissance de l’autre. Nous pouvons aussi tordre la question dans tous les sens : est-ce seulement la contrainte du corps qui enferme le sujet à l’hôpital ? A bien des égards, n’y a-t-il pas une autre forme de contrainte qui pousse le sujet à se faire soigner ? Continuons : bien sûr que le sujet est contraint dans le suivi judiciaire mais le sujet qui suit –le psychologue ou l’éducateur- n’est-il pas lui-même pris dans la contrainte du suivi ? C’est là une idée qu’a soulevé Jean-Francois Viller durant la soirée. Puisque tout le monde est contraint, au moins… Par ailleurs, Jean-François a témoigné de cette identification dont le psychologue peut être la victime ; il incarne alors la justice. Une autre question me vient : le clinicien, dans le confort de son cabinet,  n’est-il pas lui-même et constamment une victime polymorphe des avatars du transfert ?

Ce que j’essaye de dire ici maladroitement c’est qu’il m’est difficile de concevoir que l’on se rende chez le psychologue par plaisir. A part peut-être dans le cas d’une cure analytique mais je crois que cela mériterait encore de longs débats. Quel est la place du conflit plaisir/déplaisir, dans la rencontre que vous faites, cliniciens, avec les sujets qui vous rencontrent ? Parce que la contrainte n’est-elle pas la complice du déplaisir et par extension de la pulsion de mort? Je repose cette question autrement : dans le cas d’un suivi judiciaire, le déplaisir est criant, le psychologue est désavoué d’entrée de jeu. Dans le cas d’un suivi thérapeutique, on peut imaginer que le sujet est présent en pleine possession de son libre-arbitre ; c’est à débattre. Dans les deux cas, ce qui est sûr c’est que l’inconscient, lui, n’en fait qu’à sa tête. Et il me semble avoir compris que c’est bien l’inconscient que le psychologue rêve de rencontrer, même sous contrainte, et que c’est bien cette rencontre ratée qui peut apporter son lot d’insatisfaction et de frustration.

Je dirais donc que si on peut légitimement se poser la question du libre-arbitre qui précède l’arrivée devant un psychologue, je dirais également que dans le cas du contrôle judiciaire, nous avons au moins la chance de connaître le « contraignant » et de connaître une grande part de la trame du conscient. Par exemple nous avons la chance de connaître l’identification dont nous allons souffrir puisque nous entrons dans la rencontre avec le costume du contraignant.

 

Cette présence de la contrainte semble obliger les cliniciens, lorsque je les écoute, à être extrêmement créatifs. C’est là, me semble-t-il, l’une des questions centrales : dans la rencontre d’un sujet pris dans le social, puisque nous allons l’accueillir dans un dispositif qui n’échappe pas au social, il va falloir être créatif pour créer un espace de création. Créer, créatif, création… Dans la mesure où les institutions tendent à former et à socialiser  des sujets et qu’elles jouent un rôle essentiel dans la régulation sociales globale (Enriquez, 2003, p.62), je ne vois pas comment elles pourraient faire autrement que de contraindre. Nous voyons là qu’elles ont un rôle symbolique et hautement symbolisant ; elles véhiculent la loi et sont donc par nature castratrices. Ce serait un deuxième volet de questions ; il m’a semblé entendre des psychologues se posant la question de leur propre métier dans l’hôpital. Qui sont-ils ? A quoi servent-ils ? Qui servent-ils ?

Par essences et par natures, l’institution et le sujet s’opposent et s’attirent. En sachant cela, C’est bien la question suivante qui m’intéresse follement dans ce qui peut être mené à l’ACLIS : que produit la rencontre de deux personnes contraintes, enfermées bien souvent dans une pièce qu’ils n’ont pas choisi, une temporalité qu’ils n’ont pas forcément décidé, un cadre qui les malmène ? Ce que cela produit, c’est surtout la question du lien transférentiel et de ce que chacun en fait… sous la contrainte.

Je travaille pour ma part avec des personnes qui viennent sur des dispositifs qu’ils n’ont pas choisis bien qu’ils en connaissent la plus-value pour leur parcours social. Ces états paradoxaux provoquent des agirs violents qui ne caractérisent pourtant pas d’ordinaire ces sujets. Ils peuvent également provoquer des fonctionnements  passifs extra-ordinaires qui me laissent souvent dubitatifs. Je crois qu’un travail d’élaboration autour de la notion de contrainte comme civilisatrice (castration) et non comme mortifère (répétition-déplaisir) s’impose pour redonner du sens au lien social et détordre le paradoxe qui s’organise autour des notions de choix et de besoins. Mais là encore, dans nos institutions, que devons-nous inventer, quelles postures, quelles censures, quels bricolages, pour parvenir à nos fins et faire de la contrainte institutionnelle un superbe outil de subjectivation ?

Guillaume PEUGNET, trésorier d'ACLIS 74

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