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ACLIS 74
13 décembre 2013

Le lien social en question (réponse à Guillaume Peugnet)

A propos de la clinique du lien social

 

La clinique (à l’origine : « être au chevet du malade ») appartient aux cliniciens, c'est-à-dire ceux qui sont en prise directe avec le sujet, dans sa légitime singularité, et souvent dans son étrangeté[1]. Une clinique du lien social, cela concerne le sujet, pris dans sa relation à l’autre, et puis, à l’Autre qui fait tiers, qui fait Loi,  et qui peut être dans certains cas menaçant et persécuteur. Il s’agit aussi du sujet agi par un discours dominant, qui le détermine à son insu, alors qu’il croit être libre[2]. La clinique du lien social concerne tous les acteurs de la relation humaine, professionnels ou bénévoles ; elle est traversée par divers courants théoriques. Cette clinique n’appartient pas aux seuls psychologues dits cliniciens, ni aux psychiatres et même si les psychologue de métiers  sont majoritaires à l’ACLIS 74, à commencer par le bureau de l’association, tel qu’il est actuellement. Cette hégémonie professionnelle serait comme un désaveu du réel, contredisant notre représentation/désir initiale : un lieu de rencontre, de débats, d’échanges interdisciplinaires, un lieu d’ouverture, pas un « rotary  psy » où tout le monde  penserait pareil, dans le bain-marie d’un climat consensuel. Gageons que le phénomène du « bouche à oreilles » va dès lors fonctionner, et qu’à l’avenir, de nouveaux adhérents viendront d’autres lieux de la clinique : éducateurs, animateurs socioculturels, enseignants, psychomotriciens, kinés, orthophonistes, assistantes sociales, aides soignantes, infirmières…et j’en oublie.

Par delà une approche cognitiviste et neurologique qui a toute sa valeur, Guillaume esquisse une approche de la clinique en pédagogie. Il s’agit-là du sujet en posture d’apprentissage. Il existe des sujets aux demandes très contrastées, singulières, parfois insolites. Il y a des personnes en souffrance, la situation d’apprentissage réactivant des réminiscences d’échec scolaire parfois mortifères. Guillaume suggère de prendre en compte la dimension de l’inconscient dans la relation d’apprentissage, c’est à mon sens une bonne porte d’entrée dans ce champ d’une clinique de la pédagogie qui appréhenderait la globalité du sujet apprenant, dans toutes ses composantes. Le leitmotiv de Guillaume Peugnet (voir ses autres textes sur le site) s’énonce bien par cette question : « Que se passe-t-il dans ce processus singulier où sont réunis le formateur et l’apprenant ? »

La formation, c’est une mise en forme, il s’agit bien là de créer des formes, de former, voire de déformer, et cela avec l’aide de trois pratiques langagières : parler, écrire, et lire…. Des pratiques qui ont un effet sur le sujet, pris dans le langage dès sa naissance, voire avant cette même naissance : n’avons-nous pas un nom et un prénom avant de naître ? Le texte de Guillaume témoigne d’un questionnement jamais fermé sur lui-même, où sont interrogés des pratiques et des savoirs (qu’en bon althussérien, je nommerai : des praxis…) que l’on pourrait - imaginairement - croire étanches les uns aux autres ; mais ces problématiques s’articulent, en l’occurrence, celle de l’apprenant et celle du sujet. Dans cette approche, je sens un désir de savoir, un désir aussi de rigueur conceptuelle, d’argumentations, de « sérieux » épistémologique. C’est un désir que je partage, avec lui, et les quelques petits autres qui font l’ACLIS, à cette phase embryonnaire. Cette association doit être stimulante, vivante et incitatrice,  et cela va demander des efforts constants et réguliers à chacun d’entre-nous pour ne pas nous endormir. Cela nous évitera l’écueil où se confond le travail d’élaboration théorique et le commentaire éclairé : nécessité de dépasser les apparences, les lieux communs[3], les tautologies, les évidences fatalistes (« c’est la crise ! »), et les poncifs d’écoles, fussent-elles psychanalytiques avec « pignon sur rue » !

J’apprécie beaucoup ce climat où chacun s’autorise à écrire, à penser[4] ou à prendre la parole en son nom propre. L’ACLIS 74 regroupe des sujets désirants, agis par une volonté de réflexion, de savoir, de clarification, de mise à plat, de déconstruction… de son objet : la clinique du sujet, pris dans le lien social, appréhendée  par des points de vue pluriels, en référence à des champs théoriques et à des pratiques cliniques divers, là où l’idéologie et l’inconscient font nœud, comme le disait si joliment le sociologue et philosophe Saul Karsz, dans les années 90.

 

Serge DIDELET, secrétaire d’ACLIS 74



[1] Ce qui me fait penser que le poète René Char était un « pousse au sujet » lorsqu‘il énonça sa phrase emblématique à laquelle j’adhère pleinement, il disait : « Préservez votre étrangeté légitime. »

[2] L’habitus, concept sociologique cher à P. Bourdieu, croise souvent  l’inconscient freudien.

[3]  Eviter surtout le sempiternel « quelque part, ça m’interpelle », auquel je réponds toujours : « Où ça ? », au risque de me faire mal voir…

[4] Je n’écris pas ce que je pense, je pense ce que j’écris…

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